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« SPCH »

Notre ville est en faillite ! À moins d’un miracle, il faudra fermer l’hôtel de ville ! C’était le message décrié sur tous les toits par nos élus municipaux. Vous pensez peut-être que c’était la faute des «autres gouvernements » qui nous refilaient leurs comptes à payer. Pas du tout ! La cause, la loi limitant le nombre de chiens par résidence.

Le style de vie des hommes change. Les familles, propriétaires de grandes maisons et possédant plusieurs chiens, déménagent dans des résidences minuscules. Le grand jardin où j’ai grandi a disparu. Il y a plusieurs années, sous l’influence des «lobbies anti-chien », les nobles magistrats municipaux ont voté une loi limitant le nombre de chiens par résidence. Par conséquent, les revenus provenant de la vente des permis canins ont dramatiquement baissés. Cette situation a plongé la ville dans une crise financière.

Notre Maire, un bipède assez génial, a découvert la solution pour combler ce manque à gagner et ce… sans modifier la loi sur le nombre restreint de canidés par famille. Les unités d’habitation possèdent en moyenne un canin et nous, les chiens, possédons plusieurs humains. Monsieur le maire proposa donc qu’au lieu de taxer les humains pour la possession d’un chien, il valait mieux taxer les chiens pour la possession des humains. Voté à l’unanimité il y a maintenant 24 mois, cette nouvelle loi a permit de quadrupler les revenus provenant de la relation humain-canin et ainsi sauver notre ville de la faillite !

À chaque année, je dois me présenter à l’hôtel de ville, décrire les caractéristiques de chaque humain en ma possession, prouver que chacun est vacciné et en bonne santé.
Moyennant le paiement de la taxe requise, on me remet un médaillon à fixer au collier de chaque humain identifié. Il devra le porter en permanence sous peine de recevoir une contravention. Je dois ensuite apposer ma patte sur un contrat me rendant responsable de l’entretien et du comportement de chaque bipède enregistré… quel contrat !

Mes amis canins «en jappent » continuellement. Avoir la responsabilité de plusieurs humains est très difficile. Déjà, s’occuper d’un humain, c’est compliqué. D’abords, il faut les nourrir. Ils sont très capricieux. Pas question de leur servir la même céréale nourrissante deux fois par jour. Ils exigent des menus variés à chaque repas. Leurs besoins en breuvages sont également difficiles à combler. L’eau fraîche est loin de satisfaire leur soif. De plus ils sont frileux. Leur système ne produit pas de pelage hivernal. Il faut donc les vêtir. C’est une aventure très coûteuse. Un vêtement différent à chaque sortie. Une garde-robe nouvelle à chaque saison. C’est loin de l’unique petit manteau tricoté par ma maîtresse et que j’ai porté coquettement toute la saison froide passée.

Pour en faire des citoyens responsables, il faut les envoyer à l’école. Les humains ont la fâcheuse habitude d’apprendre lentement. Il fréquente l’école durant de nombreuses années. Durant ma jeunesse, j’ai suivi des cours d’entraînement à l’obéissance. J’ai même gradué premier de classe quelques semaines plus tard.

Mes collègues canins se plaignent aussi des nombreux frais médicaux indispensables à leurs bipèdes. En plus des frais de vaccination, ils exigent des pilules, sirops, onguents, vitamines… etc. Selon leur âge, sexe et/ou état d’esprit, ils ont besoin de dermatologues, géniocologues, psychologues, sexologues… etc. Le coût des traitements hospitaliers n’est pas complètement couvert pas les assurances.

Les hommes se tannent vite de jouer à la balle. Plus sophistiqués, ils demandent des loisirs dit culturels, sociaux, sportifs… etc. La majorité d’entre eux préfèrent regarder que de participer eux-mêmes. Ceci explique leur tendance à l’embonpoint. Lorsqu’ils se reproduisent, nous devons trouver une famille adoptive pour les nouveaux petits bipèdes. Ce n’est pas toujours facile. Les mères ne consentent pas facilement à laisser aller leurs petits bébés. Parce qu’ils grandissent lentement ils ont besoin de leur mère durant plusieurs années.

Certains candidats possèdent un très mauvais caractère. Ils ne sont pas toujours compatibles avec les autres membres de leur espèce. D’autres sont reconnus pour détruire leur environnement qui est aussi le nôtre. Parfois désobéissants, surtout à l’adolescence, il n’est pas toujours évident de leur trouver un foyer canin adoptif. Enfin, la responsabilité d’adopter un humain ne convient pas à tous les chiens. Plusieurs canins sont allergiques aux différents shampooings, désodorisants, parfums, Cologne ou autres substances irritantes pour nos voies respiratoires sensibles et délicates.

Enfin, pour toutes ces raisons et pour plusieurs autres, les canins ne sont pas du tout heureux d’être responsables de plusieurs humains. Plusieurs d’entre nous doivent se limiter à l’adoption d’un seul bipède. Nous faisons face à un problème majeur. Que faire alors de tous ces petits bipèdes qui courent les rues sans famille canine ? Certains canins ont décidé de fonder la SPCH. Une sorte de SPCA consacré à l’aide aux humains en difficulté. Cette organisation recueille les humains abandonnés et les héberge temporairement. Mais voilà, la SPCH est débordée. Il faut trouver des moyens de contrôler le nombre de bébés humains qui viennent au monde à toutes les périodes de l’année. Certains acceptent la castration… d’autres si opposent farouchement.

Nous avons convoqué certains humains doués dans le but de proposer des suggestions à la SPCH. En quelques minutes, ils ont trouvé «la» solution. Ils suggèrent d’euthanasier les humains malades, faibles, âgés ou trop turbulents… enfin tous ceux qui ont très peu de chance d’être adopté rapidement.

Cette solution nous dégoûte. Jamais les canins n’envisageraient ce genre de solution. Après tout, même si les humains nous causent quelques petits problèmes, nous les aimons profondément.

Je me propose plutôt de faire apposer la patte des canins de notre ville sur une pétition réclamant l’abolition de la loi sur la taxation des chiens, afin de retourner à l’ancien système. Pour éviter la faillite de notre cité, nous proposons à Monsieur le Maire d’affronter férocement les «lobbies anti-chiens » et permettre aux contribuables responsables d’adopter plusieurs chiens.

Cette nouvelle approche permettra de réduire certains engorgement à la SPCA et bien sûr… d’abolir la SPCH.

Nicole MacDuff
http://www.Manoir-Kanisha.com

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